Qui êtes vous, bel étranger...[libre]

*J'entends leur voix, elles résonnent dans ma tête telle une plainte continue dans mon éternelle abîme, je ne sais comment leur répondre ni comment les faire taire. Cette douleur qui me déchire du fin fond de ma personne brûle mon âme dans les tourments des flamme glacées de mon Enfer. Il semble que ma chair se languit d'une chaleur que je ne puis plus ressentir. Je perds le chemin de la raison, mon esprit se noie et je sens le vide s'installer en moi. Comment est il possible que je vive encore dans cette mort ? Qui est mon marionnettiste ?*

Assis sur une balançoire qui menaçait de se rompre à chaque va et vient, Requiem songeait tristement aux sentiments qui poignardaient son cœur déchu. Ses mains recouvertes de gants de cuir noir étaient posés sur les cordes de la balançoire avec lequel il s'amusait gentiment. Son regard plongé dans le lointain n'observait que le néant qui se trouvait devant lui. Requiem s'ennuyait, la sucette qu'il avait dans la gueule venait de se terminer et il était déçu de constater que les goûts au cours des années s'atténuaient, la nourriture deviendrait elle cendre et poussière ? Lui qui n'avait de plaisir que celui du goûter et de la nature souffrait de son incapacité à pouvoir en profiter pleinement comme les autres humains de son age.

*Quel ange m'a ainsi condamné à souffrir ? Quelles étaient ses motivations ? Qu'on me foudroie pour mes tords mais je ne mérite point ce sort ! Mère, j'aurais aimé connaître une vie normale du moins durant une journée, juste pour savoir à quoi cela ressemble…*

Un mouvement aussi petit fut il attira l'attention du jeune homme rêveur Son regard émeraude traça les obscurité de la nuit afin de trouver l'origine de ce mouvement et il put alors apercevoir une petite boule de poils lui sauter dessus avec affection. Requiem fut pris de peur lorsqu'il crut durant une seconde que son compagnon allait toucher sa chair faciale mais il fut rassuré de constater que son animal y prêtait attention. Ce dernier alla se pelotonner sur les genoux de son maître et ronronnait tout doucement aux caresses que Requiem voulait bien lui donner.
Le petit parc était tranquille bien que le jeune homme avait depuis longtemps repéré une présence qui dans son dos l'observait avec une intensivité particulière. Il ne s'était pas interrogé sur le pourquoi de cette contemplation, trop habitué à avoir continuellement des regards sur sa personne mais il s'était tout de même demander ce que lui voulait cet étranger, homme ou femme cela lui était égal, il était surtout curieux de connaître les motivations de la personne si bien que lorsqu'il en eut assez, il fit entendre sa voix.

D'un ton haut et clair qui semblait néanmoins sortit droit des enfers par sa tonalité inquiétante, Requiem laissa une phrase s'échapper du bout de ses lèvres. Il s'adressait à cet inconnu caché dans son dos et dont le regard le dévorait d'une étrange manière sans qu'il ne put la décrire.

- Que me voulez vous drôle d'étranger qui là bas m'observe ? Venez donc à mes côtés et osez vous présenter, aucun mal ne vous sera fait…à moins que cela fusse dans vos attentions que de m'en faire ? Dans ce cas la, je vous le déconseille fortement, pour votre plus grand bien.

Requiem arrêta de se balancer, il s'immobilisa et attendit une quelconque réaction de la personne. Peu inquiet de ce qui pouvait lui arriver, il était plutôt intéresser par ce qui allait se passer, comment cet étranger allait il réagir à ses paroles ? Le jeune homme attendait avec attention, guettant le moindre mot ou mouvement, il s'était totalement immobilisé et ressemblait à une statue de marbre habillée.

La jeune femme qu'était Kara se baladait depuis déjà un bon bout de temps, sa silhouette fine et gracieuse apparaissant par intermittence entre les branches touffues des arbres environnants. Attentive et à la fois distraite, elle observait cette nature à la fois contrôlée et libre, c'était puéril mais, comme qui dirait, c'était humain alors elle ne s'en inquiéta pas outre mesure, après tout, elle n'était pas là pour se morfondre mais bien pour se calmer et discuter en toute tranquillité avec son propre conscient, afin de savoir ce qu'elle ferait dans le futur. Elle savait pertinemment que dans une semaine, elle avait un concerto de piano à exécuter, l'argent obtenu serait reversé pour une association de je ne sais quoi qui ne l'intéressait en rien, tout ce qui, pour l'instant, pouvait représenter pour elle un quelconque intérêt n'était autre que le simple fait de jouer de ce merveilleux instrument qu'était le piano. Effleurer de ses doigts fins les touches blanches et noires faisait monter en elle un sentiment de profonde impatience qu'elle se savait, pour le moment, incapable de satisfaire, cependant, à cette seule pensée, elle n'eut que l'envie de tourner les talons et de rentrer chez elle à toute allure. Juste pour jouer. Juste pour oublier. Juste pour se rappeler.

Une odeur, intéressante sans nul doute, vint chatouiller ses narines. Une odeur étrange qui, pourtant, lui semblait bien familière. Elle arrêta aussitôt sa marche puis tourna son visage vers la source de cette effluve si délicieuse, son oeil dissimulé par une bande propre, seul petit signe indiquant qui elle était : Kara, la démone, Kara, l'espionne, Kara, la tueuse, Kara, la talentueuse pianiste et tellement d'autre. Mais une chose échappait à bon nombre des personnes qu'elle côtoyait : son véritable surnom, sa véritable nature : Celle de la Rose de Sang, celle de l'assassin qu'elle était en réalité. L'élément naturel qui l'entourait l'incitait silencieusement à prendre cette forme aimée qu'était celle du félin qu'elle pouvait arborer à loisir. Avec un bref sourire, une fourrure vint recouvrir tout son corps et l'instant d'après, un magnifique tigre se dressait là, ses yeux sauvage observant avec un intérêt limité les environs puis elle avança de ce pas fluide qui caractériser les félins. C'est donc dans un silence total qu'elle se rendit dans la direction de cette odeur qui avait réussit à faire naître en elle un sentiment d'intérêt, pourtant banal dirait certains, mais il était extrêmement difficile d'insinuer chez elle un sentiment comme celui-ci, et puis, elle était curieuse.

Elle se glissa entre les broussailles, marchant sur des branches mortes sans les briser, effleurant des feuilles sans les faire bruisser et bientôt, un simple humain se dressa devant elle, enfin non, un démon. Avec un léger sourire qui étira ses babines en révélant des crocs immaculés et tranchants, elle s'assit paisiblement entre les broussailles, son regard se posant simplement sur cet étranger qui était parvenu à éveiller en elle un sentiment de curiosité, bientôt, un chat vint à rejoindre les genoux de l'inconnu et se mit à ronronner, soudain, une question naquit : quel goût avaient les chats ? Un sourire carnassier vint remplacer celui qui semblait être un rien ravi. Puis, il lui demanda de sortir de sa cachette, sa façon de parler l'intrigua quelque peu : il était extrêmement courtois, enfin, c'était une manière de voir les choses, après tout, n'était-elle pas une démone derrière ses allures d'anges comme le lui disent les gens, lorsque, bien sûr, elle sourit. Elle sortit de sa "cachette" d'un bond élégant et souple, ses grosses pattes de velours se posant sur le sol dans un silence total puis elle se dirigea vers lui, semblant lui tourner autour à la manière d'un prédateur envers sa proie. Il était intéressant, très intéressant même, elle avait eut de la chance de le sentir car il éveillait en elle un intérêt grandissant, c'était rare. Elle finit par s'asseoir, à moins d'un mètre de lui, ses yeux se posant sur lui, le fixant avec intensité. D'ailleurs, à la place du bandage qui se trouvait sur son visage lorsqu'elle était sous sa forme "humaine", se trouvait à présent une cicatrice barrant son oeil gauche à la verticale, une cicatrice assez impressionnante et elle gardait son oeil fermé, observant l'étranger d'un seul oeil.

- Pour mon plus grand bien, hein ? C'est étonnant d'entendre ça de la part d'un démon, il est difficile d'en croiser voulant préserver les gens du mal.

Un sourire étira ses lèvres, découvrant ses crocs effilés, son regard l'observant jusqu'à ce que :

- Qui es-tu étranger pour parvenir à éveiller un tel élan de curiosité ?

*Quel triste mot cet animal a-t-il usé pour me définir ? Par quelle sorcellerie ai-je été charmé pour que je vois cette nuit un tigre parler ? Parler, non cela est bien plus grave car c'est à ma personne qu'il s'adresse, serait ce mère qui m'enverrait un signe ? Quel serait alors son message et pourquoi me nommerait elle démon ? Suis-je à ce point si mauvais ? Bien que j'aimerais réduire à néant cette humanité déchue ! N'en ai-je après tout pas le pouvoir ? La force et l'immortalité, tuer et ne point pouvoir mourir, quelle puissance…*

Un doux sourire démoniaque naquis sur les lèvres de Requiem qui contemplait ses deux mains comme deux nouveaux diamants tout juste offert à sa petite personne. Son regard brillait d'une lueur de folie, et trahissait pleinement ses intentions, sa soif de sang. En effet, tout juste éveillé par le mot "démon" qu'avait employé le félin, les sens du jeune homme semblait se décupler et son esprit cherchait du regard quelque chose qu'il ne trouvait pas.

*Je vois, quel est cet endroit ? Il me semble familier et pourtant si inconnu, cette température, cette atmosphère ces cris…Je suis chez moi… Non, ce n'est pas ma demeure terrestre, où suis-je ? Je connais ce lieu, je connais ces voix…et pourtant…*

Requiem secoua la tête, et soudainement il revînt à la réalité. Son regard se posa sur un petit parc qui se trouvait plongé dans le noir. Le vent jouait avec quelques arbustes qui se trouvaient tout autours de lui et il se prenait aussi dans les chaînes de la balançoires vacantes à côtés du jeune homme. Ce dernier observait l'animal qui se présentait à lui, était ce là un totem ou bien avait il affaire à une autre créature capable de se transformer à volonté ? Il n'en avait pas la moindre idée mais il lui semblait que cela lui était égal mais surtout une voix intérieure lui disait qu'il aurait la réponse en temps et en heure voulu.

- Comment, misérable humain que je suis, pourrais je éveiller en vous, tigre enchanté, une quelconque curiosité ?

Le jeune homme regardait la gueule de l'animal, crocs, museau, œil, c'était une belle femelle s'il ne se trompait pas. Il constatait aussi que l'animal ne s'était pas présenté à lui, il s'était simplement montré mais il était lui-même en tord pour ne point avoir répondu à sa question alors il dit tout bêtement.

- Si cela peut aider à assouvir votre curiosité, étranger, je suis celui qui est appelé Requiem.

La jeune femme l’observait sans cesse, son unique œil se posant par instant sur la petite boule de poils qui demeurait sur les genoux du jeune homme : quel goût cela avait-il ? Devait-elle, comme avec bon nombre d’animaux, le dépouiller de sa fourrure avant de pouvoir le manger ? Bof, finalement ce n’était pas très intéressant et puis après tout, il ne s’agissait là que d’un chat, elle aurait plus d’os à manger que de chair. Pendant un court instant, il sembla perdu dans ses pensées, ou souvenirs selon la situation, et n’avait d’attention pour elle qu’une infime partie de celle qu’elle portait à ce qui surgissait dans son esprit. Pendant qu’il songeait, elle observa ses pattes avant, s’assurant que ses coussinets n’étaient pas endommagés et que ses griffes étaient bien acérées, pour s’en assurer, elle passa ses crocs sur l’une d’elle et apprécia la matière lisse qu’elle y rencontra : aiguisée à souhait même. Elle se désintéressa pourtant très vite de ses griffes aussi intéressantes soient-elles : ce n’était pas elles qui suscitaient cet intérêt si fort qui faisait battre son cœur d’une envie simple de savoir, de tout savoir jusqu’à la dernière goutte. Elle attendit donc, avec patience, sentant pourtant une pointe d’agacement faire son apparition.

Lorsque vint enfin une réponse elle fut légèrement surprise : il ne savait donc pas qu’il était un démon ? Ne sentait-il pas cette odeur de souffre qui émanait de lui ? Pendant un court instant, ses yeux brillèrent d’un éclat d’intérêt profond et de curiosité sans limites, il lui arrivait souvent d’être aussi curieuse et généralement le résultat était satisfaisant : pour elle bien évidemment puisque cela servait ses propres intérêts. La suite des paroles de l’inconnu éveillèrent en elle un sentiment de surprise totale et de confusion : Requiem ? Quel drôle de nom… Elle se releva, puis ploya une patte, s’inclinant presque sous sa forme de félin que l’on pourrait qualifier de dangereux…

- Kara Yozora.

Avant même qu’une quelconque question puis être posée, ses pattes arrières, formidables ressorts, lui fournirent une détente suffisante pour emporter Requiem dans sa chute tandis qu’elle lui sautait dessus, toute griffe rentrée cependant. Elle se fichait comme d’une guigne du chat, s’il mourait, c’était juste un casse croûte en plus pour la route. A présent, le jeune homme était étendu sur le dos et elle le maintenait fermement au sol à l’aide de ses pattes et de son poids qui avait facilement triplé voir beaucoup plus par rapport à celui qu’elle faisait en temps qu’humaine. Sa gueule marquée d’une profonde cicatrice s’approcha lentement du visage à découvert du démon qu’elle venait de rencontrer, ses crocs acérés s’arrêtant à quelques pouces de sa tête, une chance pour elle étant donné qu’elle n’était pas au courant du pouvoir qu’il possédait.

- Seriez-vous dans l’ignorance au sujet de votre véritable nature ? Quelle est cette confusion qui, durant un instant, a marqué votre visage pourtant si délicat ? Qui êtes-vous réellement Requiem ?

L'animal avait bondit sur le jeune homme sans crier gare juste après les présentations. Kara Yozora, c'était un jolie nom mais il n'avait pas réellement le temps de la flatter la dessus puisqu'elle l'avait détrôner de son jeu d'enfant qu'était la balançoire pour lui faire mordre la poussière, du mois, c'est-ce qu'elle aurait fait si elle l'avait attaqué de dos, ce qui n'était pas, fort heureusement, le cas.
Allongé de toute sa longueur sur la terre sèche et légèrement sableux du petit parc, Requiem se sentait terriblement dévisagé par cet unique œil de félin, la tête du tigre orangé ne se tenait qu'à quelques centimètre du visage de l'immortel qui n'osait pas trop bougé pour le moment au vu des crocs acérés qui se laissaient deviner sous les babines de l'animal. Sage, il regarda Fuyu qui se trouvait un petit peu plus loin, le petit chat, haut comme trois pommes pestaient contre le félin qui avait osé le délogé des genoux de son maître sur lequel il s'était trouvé bien installé quelques minutes plus tôt puis Requiem regarda l'étrange tigre qui le fixait toujours.

Ce dernier se mit à parler ou plutôt il se mit à questionner le jeune déchu qui l'écoutait avec attention, un peu intrigué de part la situation, il ne savait que répondre aux paroles prononcées alors il resta un long moment sans voix, perdu dans la confusion de ses pensées, jusqu'à ce que ses lèvres ne forment une phrase qu'il n'avait pas du tout eu l'intention de dire puisqu'il n'en pensait pas un traître mot et pourtant lorsqu'il la dit, il la dit avec une telle conviction, une telle sincérité et une telle assurance qu'il crut l'instant d'une seconde que cela puisse être vrai.

- Je suis ton maître, misérable larve, créateur de l'enfer prisonnier sur Terre, lève toi et rampe devant moi. Clame mon pardon pour ton insolence sans quoi tu brûleras durant des siècles.

Un geste, une paume couverte d'un tissu vînt frapper le thorax du tigre qui vola haut au dessus de Requiem et retomba un mètre plus loin. Le jeune homme vêtu de noir se releva d'un bond agile et s'empara du tigre par le col, son regard était à cet instant de couleur or et des légers tatouages de style tribal et de couleur noire apparurent autours des yeux du démon, cela resta un court instant avant de disparaître aussi vite et que Requiem relâcha le félin d'un air confus.

- Étrangère, vous portez vous bien ? Qu'est il en ce lieu arrivé ? Pourquoi toutes les plantes autours de nous sont elles gelées ?

*Perdu, je suis perdu, je ne comprends plus rien, cette terre à changer, pourquoi tenais je en ma main ce pauvre être ? Ce sentiment, la peur, le trouble, l'admiration, je ressens tout cela à la fois, d'où ? Elle ? Ailleurs ? Mes yeux me piquent… Qui Est-ce !? Ma main se porte lentement à ce visage face à moi, une surface lisse et froide, de la glace ? Un miroir mais ce reflet n'est pas le mien ! Qui êtes vous ? Vous avez ses yeux d'ors ? Vous avec ce sourire inquiétant et rassurant à la fois ? Qui êtes vous ? QUI ETES VOUS ?*

Requiem se plia légèrement en deux, courbé et les mains posées sur ses tempes, face à lui, dans son esprit un miroir se tenait et redessinait un visage que moult personnes connaissaient sur cette Terre. Un visage charmeur mais un regard de tueur, de prédateur, de dominateur. C'était là, le patriarche qui avait dirigé les Enfers déchus durant des années, et ce visage, Requiem le connaissait…Il l'avait vu une fois mais son enfance l'avait effacé, grave erreur puisque ce jour là avait celé toute sa vie…

- Yozora…Où sont mes troupes ?

Un regard de tueur venait de se poser sur la jeune fille métamorphosée, un regard que toute créature du mal aurait pu identifier…Requiem se lécha délicatement une main qu'il avait découverte et un froid certain vînt emplir l'atmosphère qui semblait se transformer en glace. Un rire mauvais s'échappa de la gorge du jeune homme tandis qu'il remettait son gant et un murmure à peine audible se fit entendre.

- Comme il est bon de se souvenir.

Le poing de Requiem se resserra violemment sur du vide et les yeux du jeune homme retrouvèrent doucement leur teinte ainsi que leur inexpressivité mais à pour qui sait observer des années vivaient dans ce regard et surtout des nombreux meurtres et idées bouillaient sans cesse et se reflétaient légèrement dans ces deux émeraudes.

Pendant un bref instant, le ton qu’il employa, la façon de parler jusqu’à la manière de prononcer ces mots lui rappelèrent un douloureux souvenir, enfin, non, pas tellement douloureux en vérité, un charmant souvenir qui la fit sourire pendant une bref seconde, une douleur au niveau du thorax la ramena presque aussitôt à la réalité. Il venait de l’envoyer valdinguer d’un simple coup, un simple, unique et banal coup. Qui était-il ? Cet homme, à la fois charmant, attirant, intriguant était à présent sujet à un monde entier de questions et faisait face à une monstrueuse curiosité que, probablement, rien ne pouvait empêcher d’être assouvie. La souffle légèrement coupé, elle se réceptionna sur ses quatre pattes de velours sans faire montre d’une quelconque douleur, elle n’avait pas été, toute sa vie, entraînée par un assassin sans scrupules pour souffrir par un coup, aussi puissant soit-il. Néanmoins, il était certain que ce jeune homme n’en réchapperait pas : elle ne le lâcherait pas d’une semelle, quitte à devoir devenir un simple tigre de compagnie. Elle voulait des réponses et elle les obtiendrait coûte que coûte, et ce n’était certainement pas des paroles en l’air : si Kara le disait, c’était sûr et certain.

Elle sonda un long moment les yeux qui se trouvaient face à elle, l’observant, c’est alors qu’elle comprit : Le maître des Enfers, longtemps enfermé dans une enveloppe charnelle sous l’effet d’une quelconque magie, d’ailleurs, il était possible que cette magie ne soit autre que celle de l’Archange Saïa, c’était une probabilité qu’il ne fallait surtout pas écarter. Elle l’observa jusqu’à ce que ces yeux étranges ne disparaissent et que d’un seul coup, il ne la bombarde de question à la quelle elle ne pouvait pas vraiment répondre. Elle eut un bref sourire et, tandis qu’il se pliait en deux, elle reprit sa forme humaine, nul doute que son «patron » était de retour, et le fait qu’il soit aussi charmant, beau et attirant que cela ne faisait que la réjouir d’avantage encore. Sa forme humaine reprise, elle se tenait à genoux à côté de lui et l’observait en silence, attendant que la joute intérieure ne se termine : c’était tout ce qu’elle attendait, après tout. Finalement, elle se termina et il s’adressa à elle en une question simple, précise, à laquelle elle pouvait répondre, forte heureusement car, pour une fois depuis tellement longtemps, elle ne ressentait que l’envie de le satisfaire.

- Disséminées à travers la ville d’Akai, à répandre douleur et meurtre, à faire des façades de maisons des expositions sanglantes. Ils sont cependant restés inactifs, attendant votre retour.

Le froid qu’elle ressentit lui déplût, elle n’aimait pas tellement le froid, cependant, elle avait encore assez chaud et puis, elle pouvait encore rentrer chez elle pour se réchauffer : l’âtre de sa cheminée l’attendait patiemment, c’était fort probable : c’était le boulot de ses majordomes. Elle ne se releva pas, se contentant de rester face à lui, l’observant tranquillement, avec cette tranquille assurance et ce regard à présent pourvu de sentiment indécelables car mélangés à d’autres, c’était difficile à expliquer mais, les sentiments qu’elle éprouvait envers Feu son maître, elle venait de les retrouver et dans un sens, cela lui faisait peur tandis que dans un autre, elle en était grandement satisfaite.

- C’est bon de vous revoir, les carnages que vous faisiez nous manquaient.

Elle n’était pas prête à dire « que puis-je faire pour vous », néanmoins l’envie était là. Si elle était prête à devenir un petit tigre de salon pour cet homme, elle n’était pas encore prête à se plier à ses quatre volontés c’était une certitude, il était très probable qu’il ait du fil à retordre avec elle, c’était même une certitude cependant, elle n’avait que l’envie de le satisfaire et de rester avec lui…

Le seigneur se tenait droit et regardait la jeune fille du haut de son mètre quatre-vingt quinze. Elle semblait à ce moment si insignifiante, si ridicule qu'il avait envie de se moquer d'elle lorsqu'il sentit son envie de le satisfaire. Pensait elle qu'elle puisse le combler, lui, le roi des démons ? Si c'était le cas, elle était bien arrogante mais il s'en moquait, après tout, n'était il pas le prince noir des vices et des pêchers ? Bien sur que si, et il était fort heureux que d'être de retour.

Un sourire des plus sadique vînt s'afficher sur les ravissantes lèvres du démon enfin de nouveau réveillé. Dans la sombre nuit qui régnait sur le petit parc et la ville alentours deux émeraudes percés d'or brillaient d'une lueur chaleureusement terrifiante. Heureux de songer que chaque créature du mal était prête à sacrifier sa propre vie pour les volontés du seigneur cela l'amusait grandement, car il n'avait pour eux aucune reconnaissance, aucun amour, seulement des ordres et des coups à distribuer si jamais l'on venait à le décevoir. Cela l'amusait vraiment et après réflexion il en avait toujours trouvé sa part de bonheur aussi minime qu'elle puisse être.
Son regard dans l'unique oeil de la jeune Yozora, Requiem cherchait à percer les maintes secrets qui pouvaient se cacher derrière cette pupille noire, que c'était il passé durant toute sa longue absence ?
Tandis qu'il réfléchissait à la réponse, au fond de son être une petit part de lui tentait vaguement de refouler les nombreuses pulsions meurtrières qui le saisissaient par petit assaut. Puis finalement il se concentra sur une seule et unique pensée, celle de rassembler le maximum d'idées afin de préparer son prochain carnage.

- Yozora, mes troupes vont avoir besoin d'un lieu pour prendre mes ordres.

Le jeune homme la regarda un instant, celle-ci devait comprendre par cette phrase et par le ton qu'il avait employé qu'elle avait une heure pour lui trouver une base dans laquelle il aurait ses appartements et surtout la salle du trône depuis laquelle il pourrait regarder de hauts ses misérables sujets et leurs donner ses commandements. La jeune fille devait aussi comprendre par cette ordre sous entendu que si jamais elle ne lui trouvait pas un lieu convenable et qui lui plaisait, il se ferait un plaisir de mettre sa tête sur une pique pour annoncer son retour et affirmer son autorité auprès des autres démons.
Requiem leva le poing vers le ciel, il n'attendit qu'une dizaine de seconde avec le bras lever avant qu'un magnifique aigle royal vînt s'y poser délicatement. L'animal avait le regard tourné vers son maître et il semblait attendre quelque chose de la part de ce dernier, chose qui ne tarda pas à venir après un bref regard échangé entre Yozora, Requiem et le volatile.
Le maître démon susurra à l'oreille de son compagnon d'une voix douce et aimable bien qu'ordonnant ces quelques mots.

- Kamo, Reprends ta forme originelle et envole toi. De ta splendide figure affirme aux miens mon retour et d'un cris perçant hurle leur le rassemblement. Qu'ils comprennent que tous ceux qui ne seront pas dans mes rangs mourront traités bien pire que les anges. Ils mourront comme des traîtres. Entends tu Kamo, le vent souffle et dans sa mélodie il nous murmure amoureusement que la guerre reprend. Va à présent mon ami, je t'ordonne de reprendre ton véritable aspect, envole toi, maintenant !

Requiem lança l'aigle vers le ciel qui décolla aussi tôt et alors qu'il venait tout juste de prendre de l'altitude, les deux créatures terrestres purent constater qu'il avait facilement tripler de taille. En effet, l'aigle faisait à présent deux mètres et de son plumage brun était devenu tout blanc avec au niveau des ailes quelques plumes de couleur or. L'oiseau poussa un seule et puissant cris qui firent allumer quelques lumières alentours, et cela fit aussi sourire le jeune homme. A présent que Kamo parcourait les cieux, quiconque le verrait saurait ce que cela signifiait, créatures du bien ou du mal, tous reconnaîtraient cet animal mythique comme celui du puissant seigneur des feu Enfers et tous craindront sa folie !

Le jeune homme tourna les talons après un bref salut et Fuyu vînt lui sauter dans les bras. Il l'enveloppa contre lui et il constata à ce moment qu'un petit chat était réellement une créature petite et fragile, sans doute était ce pour cela qu'il gardait bien précieusement sa boule de poil noire. L'adolescent marcha tranquillement, il n'avait pas plus prêter attention à Kara, si elle était encore là ou non, il ne lui avait rien dit de plus.

Si tourner le dos à un tigre n’était pas une bonne idée, le faire face à un démon ne l’était encore moins, même si on était le roi des démons. Certes, Yozora devait à cette personne un respect et une obéissance totale et une soumission plus que grande, mais ce n’était pas dans sa nature. Même si elle voulait le satisfaire autant qu’elle le pouvait, elle n’était pas prête à devenir un banal tigre de salon qui obéirait au moindre petit caprice et si elle devit avoir peur de lui malgré sa puissance, ce n’était pas pour aujourd’hui. Si elle devait craindre la douleur, elle se ferait honte à elle-même, à elle et à son maître adoré. Elle n’était pas une assassin pour rien, elle n’était pas non plus une démone de haut rien pour se plier aux quatre volontés du roi des Démons, certes, elle obéirait à ses ordres les plus « utiles » et ceux qui lui conviendront mais si un jour elle ne souhaitait pas satisfaire ses envies, elle ne le ferait pas et rien ne la ferait plier…ou presque.

Son corps élégant et fin s’épaissit et devint bientôt un corps épais recouvert d’une fourrure élégante et soyeuse, son œil gauche barré d’une vilaine cicatrice était maintenu fermé et ses crocs étaient dévoilés tandis qu’un grondement venu de son poitrail raisonnait, menaçant. Elle s’approcha du roi des démons d’une démarche souple et le rejoignit en quelques rapides enjambées, loin de faire attention au petit chat qu’il tenait dans ses bras, elle lui sauta littéralement dessus, l’écrasant de sa masse. Elle ne ressentait de la peur qu’un simple Souvenir depuis longtemps oublié, seul persisté cette impression qu’elle avait en se souvenant de ce que Feu Son Maître lui avait fait par le passé. Ses deux pattes armées de griffes acérées étaient posées sur les omoplates de Requiem, le clouant au sol sans pour autant lui faire ressentir une quelconque douleur, ce n’était pas son intention première. Elle glissa sa gueule garnie de crocs près de son oreille et murmura quelques mots :

- Il est dangereux de tourner le dos à un démon, ne devriez vous pas être le premier à le savoir ?

Un sourire étira ses lèvres noires, dévoilant encore un peu plus sa dentition meurtrière. Elle se retira cependant du dos de son soi-disant maître, prenant attention à ne pas trop l’écraser malgré son nouveau poids. Elle s’écarta quelque peu, toujours sur ses gardes puis posa son arrière train dans l’herbe, son unique œil restant résolument posé sur le démon.

- Niveau « quartier général » vous pouvez vous établir chez moi, il y a bien assez de place, cependant évitez trop de salissure, cela m’arrangerait.

Elle n’avait, effectivement, aucune objection à ce qu’ils viennent se rejoindre chez elle, tant qu’il n’y avait pas trop de « problème » elle n’y voyait pas d’inconvénient, pour les cadavres et autres salissures sanglantes…il n’y avait pas de problème, elle prendrait juste part à ce petit divertissement et éliminerait au passage quelque démon…si l’envie lui prenait évidemment.

Un sourire se dessina sur les lèvres du seigneur tandis qu'il se retrouvait allongé à plat ventre sur l'étendue terreuse du parc. Son petit chat avait été délicatement lancé vers le sol, quelques pas plus loin afin qu'il ne se fasse pas écraser par la masse qu'était son maître. Ce dernier ne bougeait pas, il savait que l'animal faisait son possible pour le maintenir à terre et pour cette raison il n'allait pas se donner la peine de se relever. La phrase qui fut prononcée près de son oreille ne fit qu'élargir la balafre que le démon avait sur les lèvres et d'une voix tantôt amusée tantôt sévère, il lui répondit simplement.

- Sans doute est-ce pour cela que je te tournai le dos, Yozora-chérie. Tu aimes me dominer, n'est-ce pas ? Mais garde cela pour la chambre, veux tu.

Un sourire pervers s'afficha sur les lèvres du seigneur qui regardait du coin de l'œil d'un air intéressé la jeune démone. Il la regardait de cette manière et il avait bien quelques idées en tête mais il savait pertinemment qu'il n'en ferait rien ; Kara avait beau être une femme tout à fait charmante et en pleine beauté malgré la perte d'un œil, il n'était pas attiré par elle et si jamais il l'avait été, son corps ne lui aurait jamais permis de lui faire quoi que ce soit. Requiem se redressa se toute sa hauteur, d'une main légère il vint chasser une mèche qui lui passait devant les yeux, avant de venir attraper entre le pouce et l'index le menton de la démone. D'une voix particulièrement dure, froide et menaçante dans le fond, il lui susurra :

- J'ai demandé un repère ma chère, et non une bicoque qui va s'effondrer à la première attaque. Débrouille toi pour me trouver un vaste terrain sur lequel mes hommes pourront se défouler; je veux des cachots, de nombreuses salles, des bains, même des déchets de l'humanité, voleurs, assassin, prostituées, tout ce qu"il faut pour qu'un début d'enfer apparaisse sur cette maudite Terre. Il y aura cadavre, sang, os et hurlement ! Trouve moi ce lieu…

Le jeune homme caressa du bout des doigts la joue de Kara, sa main gantée exerçait une faible pression sur le menton retenue et sur sa caresse afin de faire clairement comprendre qu'IL était en position de force et qu'IL avait le droit de vie ou de mort sur elle mais surtout qu'il n'hésiterait pas à la tuer si le cœur lui en disait et il fallait savoir que le cœur était toujours partant pour une tuerie. Le jeune homme approcha ses lèvres de celle de la jeune fille, suffisamment proche pour qu'elle puisse sentir la fraîcheur qui s'émanait de ce corps qu'était Requiem, suffisamment proche pour que Kara comprenne qu'un seul baiser de lui, lui conviendrait parfaitement pour lui ôter la vie.

- Trouve moi rapidement ce lieu, Yozora, tu connais ma patience et mon calme, ne t'avise pas de les mettre à l'épreuve… Sitôt trouver, alerte moi.

D'un coup de vent, le jeune homme disparu, un sourire sur les lèvres, elle trouverait ce lieu, il ne lui laissait pas le choix et si jamais elle ne trouvait pas, il savait ce qu'il fallait faire pour la dresser et la tenir en laisse.

» moment de répis [libre]